Délégation au Ministère de l’Education Nationale.
À la demande du Collectif rennais du 22 novembre, du SLAP (Sauvons les Arts Plastiques) et de l’APAP (Association des Professeurs d’arts plastiques), une délégation de professeurs et d’étudiants d’arts plastiques a été reçue au Ministère de l’Education Nationale par M.Aizier, adjoint au chef du bureau des programmes d'enseignement et par Mme Monlibert sous-directrice des écoles, collèges, lycées généraux et technologiques à la DGESCO.
La délégation se composait de deux étudiantes (L3 et préparation au Capes), de deux enseignants du supérieur (Paris 1 et Rennes 2), d’une enseignante en collège, d’une formatrice de l’IUFM de Bretagne et de la présidente de l’APAP. Elle était soutenue par plusieurs organisations syndicales : le SNPREES et le SNFOLC (FO), le SNESup (FSU), ainsi que par les sections départementales du SNFOLC 35, De SUD éducation 35 et de SUD étudiant, du SNES Bretagne et de la section syndicale du SNESup de Paris 1- St Charles. Un représentant du SNFOLC était présent. Enfin, une soixantaine d’étudiants et des enseignants de l’université Rennes 2 ainsi que des professeurs des lycées et collèges de l’académie de Rennes avaient fait le voyage pour soutenir la délégation et s’étaient rassemblés devant le ministère.
Le Collectif de professeurs d’arts plastiques « Huit » ( Bourgogne) nous avait aussi assuré de son soutien en envoyant une lettre au Ministre ( et en nous demandant d’en déposer un exemplaire lors de l’audience).
Dès le début de l’entretien M Aizier et Mme Monlibert nous ont fait savoir qu’ils n’étaient pas habilités à nous donner des réponses, mais seulement à prendre note de nos inquiétudes et de nos revendications et à les transmettre au Ministre.
La délégation a rappelé que le mouvement pour la défense des arts plastiques n’était pas séparable de celui qui a mobilisé les enseignants et les lycéens au premier trimestre dans le second degré, ni de celui qui mobilise encore les étudiants et les personnels de l’enseignement supérieur. Elle a abordé d’emblée la question des concours. Si pour elle le report de la réforme de la formation des maîtres peut être considéré comme un fait dont on ne peut que se réjouir, le maintien de son principe reste préoccupant. Elle s’interroge notamment sur le sens qu’il faut donner au maintien pour l’année 2009-10 des anciens Capes dès lors que leur préparation est inscrite en quelque sorte « de force » dans les masters existants. N’est-ce pas une mastérisation de fait qui est instituée si – comme le préconise le ministre – l’inscription à la préparation de ces Capes maintenus est obligatoirement une inscription en master ? Mais quels masters assureront cette préparation puisque les masters « Métiers de la formation et de l’Education » n’ont pu être mis en place devant leur rejet par la majorité des universitaires et des étudiants ? Les masters-recherche existants ne sont nullement formatés pour cela. Que faut-il penser des consignes données par des Universités comme Rennes 2, proposant une double inscription : s’inscrire dans un premier temps à l’IUFM et dans un second temps à l’Université sans préciser, pour l’instant, dans quel cursus universitaire ? En clair, quel sera le statut des futurs candidats au Capes ?
À ces questions, nos interlocuteurs ont répondu qu’aucune décision n’avait encore été prise. Les étudiantes présentes dans la délégation ont fait remarquer qu’il y avait urgence et que cette incertitude pesait lourdement sur les candidats potentiels, actuellement en L3. La délégation a fait état d’une baisse déjà sensible des inscriptions à la préparation au concours en Arts Plastiques : si jusqu’à présent il y avait, dans l’académie de Rennes, régulièrement plus de 100 inscriptions tous les ans, ce chiffre est tombé à 60 pour la session 2008-2009 et l’on peut craindre que cette chute ne s’accentue considérablement pour la session 2009-2010. La prolongation des études d'une année supplémentaire pose des problèmes de coût: les assurances annoncées par le ministère pour aider les étudiants (en terme de bourse et de stage rémunéré) sont encore très imprécises. Veut-on décourager les étudiants et tarir le bassin des futurs professeurs d'arts plastiques ?
La délégation a alors abordé les problèmes plus spécifiques aux Arts Plastiques qui font planer le doute sur l’existence même de la discipline en tant que telle. Elle a rappelé que le rapport Pochard ne prévoyait même pas le maintien d’un Capes d’Arts Plastiques et que, si celui-ci est maintenu, le projet communiqué pour sa nouvelle version « masterisée » réduit considérablement les épreuves vérifiant les savoirs disciplinaires, tant théoriques (histoire de l’art et esthétique) que pratiques (une seule épreuve au lieu de deux et de durée et de contenu moindres). Le concours de recrutement du premier degré (CRPE), dans sa mouture actuelle, a déjà vu disparaître l'épreuve de pratique en tant que telle. Mais dans le projet de concours communiqué par le ministère en novembre 2008, le tirage au sort d'une des disciplines enseignées à l'école primaire voit purement et simplement disparaître toute épreuve spécifique en arts plastiques.
De ce point de vue, la délégation a rappelé que l’introduction de « l’histoire des arts », à l'école primaire et au collège, ne correspond pas à un enseignement puisque celui-ci – à la différence de l’histoire de l’art – ne répond à aucun champ disciplinaire. C’est d’ailleurs bien ainsi que semble le comprendre le ministre lui-même puisque les textes officiels oscillent entre le terme d’enseignement et celui ambigu « d’activités éducatives » pouvant être assurées par des non-spécialistes, collègues appartenant à d’autres disciplines, intervenants extérieurs, voire étudiants stagiaires non rémunérés (Encart B.O. n°15 du 10 avril 2008 ). Tous les enseignants ont souligné enfin, l’absurdité à la fois pédagogique et matérielle du partage par moitié du cours d’arts plastiques d’une heure hebdomadaire (au collège, en particulier, l’histoire des arts représentera un quart du programme d’histoire et la moitié des programmes d’éducation musicale et d’arts plastiques, selon le BO, n° 19 du 8 mai 2008), pour y introduire une « approche » (?) historique, indexée non sur les besoins du cours (ce qui s’est toujours pratiqué), mais sur le programme d’histoire ! C’est pourtant ainsi, dans la plus grande confusion, que l’obligation d’introduire d’ores et déjà, l’histoire des arts est présentée aux collègues, y compris des autres disciplines, dans les établissements et les Académies en s'appuyant sur la distinction entre le cours clairement inscrit dans l'école et aux horaires définis et une définition abstraite du programme. Mais c’est précisément cette distinction qui permet de sortir des limites du cours, autrement dit de l’école. Nous y reviendrons. La seule réponse de Mme Monlibert aura été de nous informer qu’un séminaire devra se tenir à la rentrée.
Pour la délégation, le glissement sémantique du concept d’ « enseignement » à celui d’ « activité » reflète une mise en cause des principes mêmes de l’école républicaine. En effet, la notion d’activité, à la différence de celle d’enseignement, rend floues les frontières du service public. Elle brouille les limites de l’école et ouvre la voie à la privatisation. Revenant sur la lettre envoyée au Ministre, la délégation a cité le BO n°19 du 8 mai 2008, notamment la possibilité donnée, à partir de 2010, de faire valoir pour l’obtention du « diplôme national du brevet » une « pratique artistique personnelle, développée dans ou en dehors de l’école. » L'allègement des programmes d'enseignement, supprimant tout enjeu notionnel et visant à développer des activités occupationnelles (les programmes d'arts visuels de l'école primaire, en vigueur depuis la rentrée 2008, sont vidés de leur contenu) va favoriser une externalisation progressive de la discipline des arts plastiques vers des intervenants extérieurs à l'école.
On nous a répondu, comme lors de notre délégation au rectorat de Rennes, que nous interprétions abusivement les textes. M. Aizier a fait remarquer que le BO emploie le terme de « valoriser » et non celui « d’évaluer », ce qui est exact. Mais dans un contexte où il est question de « sanctionner les connaissances et les compétences acquises dans le domaine de l’histoire des arts », cette valorisation équivaut bien à une évaluation. Elle en est, en tout cas, partie constituante (remarquons par ailleurs, que les notions de « connaissances » et de « compétences », mises ici sur le même plan, répondent à des finalités très différentes). La délégation a fait remarquer que cet exemple n’en était qu’un parmi d’autres et que, si nous étions d’accord, il suffisait de supprimer dans les textes, ce qui pouvait prêter à confusion.
L’entretien, qu’il nous est impossible de résumer dans son entier, a duré près de deux heures. Comme nous nous y attendions, sur aucun point nous n’avons obtenu les réponses que nous souhaitions, mais nous avons témoigné de nos exigences et de notre détermination. Nous pouvons faire cependant, un double constat :
1. Celui d’un certain désarroi, conséquence du rejet des réformes par l’immense majorité des étudiants et des enseignants et de l’échec de la mastérisation des concours. C’est bien dans la plus grande improvisation que semble être mis en place le dispositif du maintien des Capes pour l'année 2009-2010. C’est bien encore dans l’improvisation que semblent se mettre en place, à la hâte, les « activités/enseignements » de l’histoire des arts et leur évaluation dans le cadre du DNB. La formation continue pour les enseignants à ce propos n’est faite que d’hypothèses et d’approximations, divergentes suivant les académies.
2. Celui de la volonté ministérielle maintenir, malgré leur rejet par les enseignants et les étudiants, le cap de ses contre-réformes.
Devant ce double constat, la délégation qui s’est réunie, le soir même, dans les locaux de l’Université Paris1-St Charles avec tous ceux, étudiants, enseignants et syndicats qui l’ont accompagnée et soutenue, a estimé qu’il fallait poursuivre, intensifier et élargir le mouvement. Elle a estimé notamment qu’il fallait renforcer les collectifs qui commencent à se constituer sur le modèle de celui de Rennes, mais aussi leur permettre de centraliser leur action au plan national. Le SLAP pourrait en former le cadre. La perspective d’un rassemblement national, dans la continuité des états généraux des Arts Plastiques de juin 2008, a été envisagée. Mais ce rassemblement devra s’appuyer davantage sur des regroupements locaux, réunissant les étudiants, les enseignants d'arts plastiques mais aussi les collègues des autres disciplines concernées par l'enseignement de l’histoire des arts, ainsi que les organisations syndicales dont l’intervention a été décisive pour que nous soyons reçus au ministère.
C’est pourquoi, décision a été prise de convoquer à Paris, dans le cadre du SLAP, une réunion nationale dont la mission sera d’ouvrir la voie à ce rassemblement national.
Le Collectif rennais du 22 novembre s’engage quant à lui, à préparer une assemblée générale pour la rentrée 2009-2010.
D’ici là, il importe de faire connaître ce compte-rendu, de continuer la signature de la motion du 22 novembre et de la pétition du SLAP et de susciter, partout où c’est possible, des réunions, des débats et des regroupements qui donneront la substance du mouvement national qu’il nous faut maintenant impulser.