samedi 4 juillet 2009

A propos de la deuxième version du projet de DNB

Le ministère fait circuler une deuxième version d’un « projet d’architecture pour le diplôme national du brevet (DNB) ». Cette nouvelle mouture, par rapport à la première, introduit des modifications significatives et symptomatiques.

1. Concernant l’oral de langue, dont il est précisé en note de bas de page qu’elle sera obligatoirement une langue étudiée au collège, il ne s’agit plus de la présentation d’un dossier mais d’un entretien à partir d’un document produit par l’élève. Rien n’est dit sur les conditions de l’évaluation. Mais l’éventualité d’un jury, composé de deux membres, dont l’un pourrait être étranger à la discipline, est abandonnée.

2. L’oral sur « l’histoire des arts » voit son importance renforcée par le doublement de son coefficient (il passe de 1 à 2). « L’histoire des arts » est maintenant définie comme un « champ ». Mais non comme un champ disciplinaire. C’est un champ autoréférentiel : le « champ "histoire des arts" » dont on voit mal le contour. L’élève présentera un « travail », terme vague qui déborde le cadre des réalisations scolaires aux critères évaluatifs repérables. Nous savons seulement qu’il devra être « à dimension historique et culturelle » et supposé « interdisciplinaire » par la médiation d’une « équipe ». Nous apprenons – différence notable avec la première mouture – que cette équipe devra au moins intégrer « un enseignant des disciplines artistiques ». Le terme « d’enseignant » étant au singulier et ceux de « disciplines artistiques » au pluriel, on peut donc supposer que cet enseignant « spécialiste » unique devra être compétent pour tous les « travaux » envisagés. Quant aux autres membres de « l’équipe », on ne nous en dit rien.

3. Il faut insister sur le caractère systématiquement flou des termes employés. C’est ainsi qu’est régulièrement adopté le terme vague de « travail » pour désigner la réalisation de l’élève ou celui « d’activité » à la place de « cours ». Nous constatons maintenant que le « support » remplace la « production » utilisé dans la première version. Mais il faut accorder une mention particulière au terme « d’équipe » dont on sait plus très bien ce qu’il désigne exactement, « l’équipe » animatrice et interdisciplinaire qui est censée permettre (diriger ?) le « travail » de l’élève ou « l’équipe » (le « groupe ») dans lequel l’élève a pu s’inscrire pour le réaliser. Dans le même paragraphe, le mot est employé à ces deux niveaux sans plus de précision. Mais ce n’est pas tout et l’on peut s’interroger sur la composition de cette équipe animatrice, sur sa nature et sa fonction. S’il est bien, cette fois, signifié qu’elle devra comporter au moins un « enseignant des disciplines artistiques », c’est aussi le seul enseignant dont il soit question. Rien n’est dit sur ce que devront être les autres membres, ni quel sera leur nombre, et l’on peut donc supposer (si l’on s’en tient au texte) qu’ils peuvent être tout autre chose que des enseignants : des parents d’élèves, des animateurs vacataires, des professionnels venus du privé, des représentants patronaux locaux, etc. De même, si on précise que le « travail » de l’élève se fera « au sein de l’établissement » on précise en même temps qu’il débordera la classe, c’est-à-dire le cours. De quoi relèvera-t-il donc ? D’une « activité » bien sûr, mais pas d’un enseignement. Ainsi, l’imprécision n’est pas innocente ni le fruit d’une inconséquence ou d’un manque d’élaboration. Elle sert une politique délibérée qui ne fait pas qu’autoriser les dérives : elle les organise et leur donne un cadre juridique par son absence même de cadre.

4. Que « l’histoire des arts » ne relève plus d’un enseignement, la seconde version du projet le confirme par la suppression, non seulement de tous critères évaluatifs, mais du cadre même de l’évaluation. Si le premier projet prévoyait un « jury » composé de deux enseignants, il n’en est plus question dans le second. On apprend seulement que l’élève « présentera », non son travail, mais le « bilan » de ce travail, grâce à un « support personnel ou réalisé en équipe ». À qui le présentera-t-il ? À l’équipe ? Mais une équipe n’est pas un jury. Et cette présentation débouchera-t-elle sur une évaluation ? Nous n’en savons rien en fait. Concernant un texte officiel qui vise à fixer le cadre réglementaire d’un examen, théoriquement national et sous contrôle du ministère, c’est une chose encore nouvelle mais qui pourrait bien se répandre !

Notre commentaire :

À l’évidence, pour cette seconde mouture, le ministère a tenu compte des critiques – des nôtres en particulier – et cherche à les désamorcer. C’est ainsi que « l’histoire des arts » se trouve promue au rang d’un « champ », mais d’un champ qui n’est en rien disciplinaire. Bien au contraire, sa fonction est et reste la mise en cause des disciplines ce qui fait de l’interdisciplinarité une caricature qui ne peut en être que la négation.

Plus significativement encore, le ministère, en intégrant dans « l’équipe » devant initier « travail » réalisé en référence « au champ d’histoire des arts », un « enseignant des disciplines artistiques », vise à annihiler une absence qui apparaissait comme une anomalie particulièrement criante. Mais outre le fait que cet enseignant se trouvera minoritaire et pourra être de plus confronté à un « travail » qui ne relèverait pas de sa compétence (de musique s’il est plasticien par exemple), celle de ses « collègues » (dans l’équipe) restera, de toute façon, problématique. Enfin, ce « champ d’histoire des arts » n’étant toujours pas un champ circonscrit disciplinairement, il reste par définition sans frontières, celles du service public notamment. Il porte donc en lui l’ouverture vers un au-delà du public, autrement dit au privé. Qui ne voit que « l’histoire des arts » est d’abord et avant tout, un cheval de Troie de la privatisation de l’école et que c’est bien là sa seule véritable fonction. S’y opposer ne concerne donc pas que les seules disciplines artistiques. C’est l’affaire de tous les enseignants et de tous les étudiants attachés à la défense du service public. Les disciplines artistiques se trouvant seulement placées en première ligne.

Ainsi, sur le fond, la nouvelle mouture du projet de DNB maintient, voire renforce en les aggravant, les orientations de la première et rien ne prouve que le changement nominal à la tête du ministère y changera quelque chose. Les concessions faites ne sont qu’apparentes et purement tactiques. Elles n’en sont pas moins symptomatiques de louvoiements face à une résistance qui s’est manifestée par les dernières grèves, mais aussi, dans les arts plastiques, par des regroupements comme le nôtre ou comme le SLAP dont nous savons, qu’ils trouvent des échos dans différentes villes ou différentes régions.
Centraliser nos efforts :

Il nous faut centraliser et démultiplier nos efforts. C’est pourquoi une réunion s’est tenue le 17 juin à Paris dans laquelle le collectif du 22 novembre était représenté. Elle a décidé :

D’appeler à la rentrée à des Assises Nationales de défenses des arts plastiques.
De les préparer par des assises régionales partout où c’est possible.
D’aider à la constitution de regroupements autonomes comme le collectif rennais du 22 novembre.
D’appuyer notre action le plus possible en relation avec les organisations syndicales enseignantes et étudiantes et avec les associations spécifiques comme l’APAP, dans le but d’œuvrer à une unité maximale

Rennes le 3/ 07/ 09